Avec l’impact croissant des changements climatiques sur l’économie mondiale, les autorités de réglementation intensifient leur surveillance de la manière dont les institutions financières gèrent et communiquent les risques liés aux changements climatiques. L’Autorité des marchés financiers (AMF) a publié en juillet 2024 une ligne directrice sur la gestion de ces risques. En mars 2025, l’AMF a soumis pour consultation publique un projet de révision de cette ligne directrice, incluant notamment des mises à jour des exigences en matière de communication des risques liés aux changements climatiques.
Dans cet article, nous vous présentons les principaux éléments de la ligne directrice, ainsi que certaines modifications proposées dans le projet de révision.
- Gouvernance
L’AMF insiste sur l’importance pour les assureurs d’adopter une gouvernance robuste afin de gérer efficacement les risques liés aux changements climatiques. Cela implique notamment de définir clairement les rôles et responsabilités du conseil d’administration, de la haute direction et, le cas échéant, de la direction générale. L’intégration des risques climatiques dans les orientations stratégiques de l’entreprise, tout comme dans son plan d’affaires et dans le cadre de gestion de son profil de risque, est essentielle.
Conseil d’administration : L’AMF s’attend à ce que le conseil d’administration surveille activement les risques climatiques et les intègre dans les cadres de gouvernance ainsi que dans les processus décisionnels. Il doit également veiller à ce que les politiques de rémunération des membres de la haute direction prennent en compte les risques climatiques.
Haute direction : La haute direction doit élaborer des politiques de gestion des risques climatiques, intégrer ces risques dans le cadre global de gestion des risques de l’entreprise et analyser les impacts financiers de ces risques sur les différentes unités d’affaires.
Plan de transition : Les assureurs doivent développer un plan de transition aligné sur leur stratégie commerciale et leur tolérance au risque. Ce plan doit permettre d’orienter la gestion des « risques physiques » et des « risques de transition », avec des méthodes précises permettant d’évaluer les progrès réalisés.
2. Gestion intégrée des risques
L’AMF insiste sur l’importance d’adopter une approche globale et intégrée de la gestion des risques climatiques, qui doit couvrir l’ensemble des secteurs d’activité des assureurs. Ces derniers doivent s’assurer que les risques climatiques, qu’ils soient physiques ou de transition, sont pleinement intégrés à leur cadre général de gestion des risques.
À cet effet, les assureurs doivent clarifier le rôle de chaque unité opérationnelle dans la gestion de ces risques, mettre en place des mécanismes de contrôle pour évaluer leur impact et maintenir à jour leurs stratégies de gestion des risques de manière proactive. L’intégration du risque climatique dans les processus décisionnels sera essentielle pour préserver la stabilité financière et la réputation des assureurs dans un marché où les enjeux climatiques prennent une importance croissante.
3. Scénarios climatiques et simulations de crise
L’AMF souligne l’importance de l’analyse des scénarios climatiques et des simulations de crise afin d’évaluer l’incidence des changements climatiques sur le profil de risque et la stratégie commerciale des assureurs.
Ces derniers doivent régulièrement prévoir des analyses de scénarios afin d’anticiper l’impact de divers événements météorologiques extrêmes et d’autres changements climatiques sur leurs activités. Ces analyses permettent d’éclairer les décisions relatives à l’adéquation des fonds propres et à la gestion des risques, garantissant ainsi que les assureurs sont préparés aux incertitudes futures.
4. Suffisance du capital et des liquidités
Étant donné les conséquences financières potentielles des risques climatiques, l’AMF s’attend à ce que les assureurs maintiennent des niveaux suffisants de capital et de liquidités pour couvrir ces risques.
Les assureurs doivent adapter leurs processus d’évaluation des risques et de la solvabilité (Own Risk and Solvency Assessment – ORSA) afin d’intégrer les risques climatiques dans leurs processus d’évaluation de l’adéquation des fonds propres. Ils doivent également s’assurer de maintenir suffisamment de liquidités pour absorber les répercussions financières d’événements climatiques majeurs.
5. Traitement équitable des clients
L’AMF met un accent particulier sur la nécessité pour les assureurs d’accorder un traitement équitable des clients face aux risques climatiques. Ces risques doivent être pris en compte tout au long du cycle de vie des produits, de la conception à la souscription, afin de garantir que les clients reçoivent l’information adéquate de façon transparente.
Conception des produits : Les produits d’assurance doivent être développés en cohérence avec le profil de risque de l’assureur et être conçus pour répondre aux enjeux climatiques.
Processus de souscription : Les critères de souscription doivent intégrer les risques climatiques afin d’adapter les offres aux besoins des clients, notamment ceux des régions les plus exposées aux changements climatiques.
Information destinée aux clients : Les assureurs doivent fournir des informations claires, précises et accessibles sur les risques climatiques, tant avant qu’après la souscription des produits. Cette transparence permet aux clients de prendre des décisions éclairées quant à leur couverture et à leur exposition aux risques climatiques.
6. Communication d’informations financières sur les risques liés aux changements climatiques
L’AMF exige des assureurs qu’ils publient les principaux éléments de leur stratégie de gestion des risques climatiques, notamment leurs cadres de gouvernance, leurs évaluations des risques et les résultats des simulations de crise. Le projet de révision de la ligne directrice précise que l’annexe 1 de la ligne directrice énonce les attentes minimales en matière de communication d’informations financières en lien avec les changements climatiques, lesquelles doivent être rendues publiques sur une base consolidée par les institutions financières.
Les assureurs doivent communiquer leurs objectifs en matière d’émissions de gaz à effet de serre (GES), de consommation d’énergie et d’autres indicateurs environnementaux pertinents. Ces informations doivent préciser si les objectifs sont exprimés en termes absolus ou d’intensité, les échéances prévues pour leur réalisation, ainsi que les principaux indicateurs de performance permettant de mesurer les progrès accomplis.
Par ailleurs, les assureurs doivent adapter la fréquence de communication et le niveau de détail des informations fournies en fonction de la taille et de la complexité de leur organisation. Le projet de révision de la ligne directrice suggère que, lorsqu’une institution choisit de ne pas communiquer certaines informations pour des raisons commerciales, elle doit préciser les motifs et indiquer les éléments omis.
L’annexe 1 de la ligne directrice introduit plusieurs mises à jour, notamment l’ajustement du calendrier de communication des émissions brutes absolues de GES du champ d’application 3, afin de l’harmoniser avec les exigences de la ligne directrice B-15 : Gestion des risques climatiques du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF).
Vers un secteur de l’assurance plus résilient face aux changements climatiques
La ligne directrice marque une étape importante pour renforcer la résilience du secteur de l’assurance face aux risques posés par les changements climatiques.
Alors que la version finale est en cours d’élaboration, les assureurs devraient poursuivre le travail visant à mieux aligner leurs pratiques sur ces attentes. Le projet de révision de la ligne directrice fait actuellement l’objet d’une consultation publique, et les assureurs ainsi que les autres parties prenantes étaient invités à soumettre leurs commentaires avant le 17 mars 2025. Une fois la période de consultation terminée, la version finale de la ligne directrice devrait entrer en vigueur le 31 mars 2025.
L’équipe de Dentons Canada est en communication directe avec les organismes de réglementation du secteur de l’assurance afin de vous aider à anticiper leurs orientations et à bien vous préparer pour la suite. Si vous avez des questions au sujet de ce qui précède, veuillez communiquer avec les auteures, Marisa Coggin, Nathalie Durocher ou Taschina Ashmeade, ou avec un membre de notre équipe nationale Assurance.